Homicide routier : une nouvelle qualification pénale adoptée par le parlement.
Publié le 1er juillet 2025

Le 3 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté à une large majorité une proposition de loi majeure pour le droit pénal routier : la création du délit autonome d’homicide routier, défendue par François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’Intérieur. Le Sénat en a voté la conformité le 1er juillet.
Cette évolution vient répondre à une demande récurrente des acteurs du droit, des familles de victimes et des praticiens de la sécurité routière, désireux de voir mieux qualifiée la gravité de certains comportements à l’origine d’accidents mortels.
Jusqu’à présent, les décès causés sur la route, même dans des circonstances particulièrement graves, étaient jugés sous la qualification générique d’homicide involontaire prévue à l’article 221-6 du Code pénal. En matière de circulation, la jurisprudence qualifie ces faits comme des infractions non intentionnelles, même lorsque l’auteur était sous l’emprise de l’alcool, de stupéfiants, ou en grand excès de vitesse.
Cette approche soulevait depuis plusieurs années des critiques, tant sur le plan symbolique que pénal car elle ne permettait pas de distinguer clairement une simple inattention d’un comportement volontairement dangereux. En pratique, le quantum de peine, même aggravé en cas de circonstances aggravantes (articles 221-6-1 à 221-6-4 du Code pénal), restait souvent perçu comme insuffisant au regard du préjudice subi.
Un nouveau cadre juridique : le délit d’homicide routier
La proposition de loi, désormais adoptée par le Parlement, crée une infraction autonome pour les cas les plus graves : les accidents mortels causés par des conducteurs en état d’ivresse, sous stupéfiants ou commettant une infraction routière caractérisée.
Cette nouvelle incrimination a vocation à être introduite dans le livre II du Code pénal, vraisemblablement sous une section spécifique relative aux homicides liés à la conduite d’un véhicule terrestre à moteur. Le texte précise que le nouveau délit ne vise pas à alourdir mécaniquement les peines existantes, mais à permettre une lecture juridique distincte et plus lisible pour le juge, les victimes et la société.
En matière de preuve, ce délit n’implique pas l’intention de tuer, mais repose sur la conscience du danger et la violation manifeste d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, déjà exigée à l’article 121-3 du Code pénal.
Une réponse attendue par les victimes et une réforme à fort impact pour les professionnels du droit routier
La qualification d’homicide routier permettra aux magistrats de mieux tenir compte de la nature des fautes commises et d’adapter leurs réquisitions et jugements en conséquence. Du point de vue de l’indemnisation, cette nouvelle infraction pourrait également faciliter la reconnaissance du caractère fautif du comportement du conducteur, élément central dans les procédures civiles ou en droit des assurances.
Pour les avocats, les magistrats, les assureurs et les experts, la création de ce nouveau délit modifie l’architecture de la répression pénale en matière de circulation. Elle obligera à requalifier certains dossiers en cours, à adapter les pratiques de défense et à anticiper les conséquences civiles potentielles (sur la franchise, la déchéance de garantie, les recours subrogatoires, etc.).
Elle soulève aussi de nouvelles questions sur le périmètre exact de l’infraction : quelle différence d’analyse entre une « faute caractérisée » dans l’homicide involontaire aggravé et un homicide routier ? Comment articuler les peines prévues avec les sanctions administratives comme la suspension ou l’annulation du permis de conduire (article L.234-8 du Code de la route) ?
Cette réforme marque un virage symbolique et pratique, qui aura certainement un impact sur l’ensemble de la chaîne judiciaire routière. Pour le Député des Alpes Maritimes Eric Pauget (un des auteurs de la loi), ce texte, qui fera date dans le code pénal français, peut vraiment faire changer les choses afin de ne plus faire de la route le reflet de la violence de plus en plus présente dans notre société. Il s’agit d’un signal fort envoyé aux citoyens, qui pourra peut-être s’appliquer à d’autres domaines que la route.
(Source : Sécurité routière et assemblée Nationale)
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